Sidney Olcott, le premier oeil

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19 octobre 2019


 

 

 

 

Des séquences de The Right Way (1921) disponibles sur Vimeo


Neil Novello's "The Right Way" @The Castle, Producer's Commentary from Neil D. Novello on Vimeo.


J’ai découvert qu’une partie d’un film de Sidney Olcott que je croyais disparu est aujourd’hui visible. Quatre bobines de The Right Way, tourné en 1919 mais projeté en 1921, ont survécu. Elles sont conservées à la George Eastman House, à Rochester, NY. Des séquences figurent dans une vidéo, TMO@The Castle, réalisée par Neil D. Novello et postée sur la plate-forme Vimeo. Le film  raconte la vie et l'histoire de The Castle, le surnom de la prison Portsmouth de la Marine américaine, à Kittery dans le Maine.

The Right Way est une sorte d’ovni dans le tour chaotique qu’a pris la carrière de Sidney Olcott depuis quelques temps. Voici quelques repères

Septembre 1916, Sidney Olcott démissionne de Famous Players dont il est un des réalisateurs vedette. Il veut retrouver sa liberté et produit et réalise, en 1917, The Belgian qui sort en janvier 1918. 

Fin juin 1918, alors que la guerre bat son plein et que l’apport des Américains semble enfin déterminant pour les Alliés, Olcott est sollicité par le gouvernement US avec neuf autres réalisateurs pour soutenir l’effort de guerre. Entre temps, il doit faire face à des problèmes de distribution pour The Belgian qui se règlent devant la justice.

Septembre 1918, embauché par la nouvelle maison de production Frank A. Keeney, Olcott tourne, à New York, A Marriage for Convenience avec Catherine Calvert, l’actrice vedette de la compagnie. Le film sort en février 1919.

Fin décembre 1918, Olcott embarque pour l’Angleterre. Il est accompagné de l'actrice  Valentine Grant, sa compagne. Selon la presse professionnelle britannique (The Bioscope, 13/02/1919, p. 19) il est venu pour « produire des films sur place » . Le 15 juillet 1919, il est de retour aux États-Unis.



C’est donc passé cette date qu’il tourne The Right Way, un film militant. Son auteur est Thomas Mott Osborne (1859-1926) ancien directeur de Sing Sing, la célèbre prison de l’Etat de New York, puis de la prison militaire de Portsmouth. Il est le seul civil à avoir occupé le poste. Toute sa vie il a œuvré pour une amélioration des conditions de détention des prisonniers en Amérique. Il n’a cessé de faire des conférences, d’écrire des livres et finalement imaginer un film pour mettre en avant ses idées réformatrices et convaincre l’opinion publique américaine.

Sidney Olcott est connu pour s’intéresser au sort des détenus. Il est le président de The Motion Picture Players Entertainment League for Prisoners (la Ligue des gens de cinéma en faveur des prisonniers) qu’il a créée en 1916. La ligue propose notamment aux soldats détenus dans les prisons militaires des projections de films le dimanche après-midi en présence d’acteurs. Est-ce la raison pour laquelle la production l'a choisi pour diriger le tournage?
Novembre 1919, The Moving Picture News, une revue professionnelle, annonce dans un écho qu’Edward A. MacManus, producteur de cinéma à qui l’on doit The Lost Battalion met la dernière main à l’adaptation au cinéma d’une histoire écrite par « le réformateur des prisons » Thomas Mott Osborne.

Un mois plus tard, le même hebdomadaire apporte des précisions : c’est Sidney Olcott qui en est le réalisateur ; 62 décors ont été nécessaires pour les scènes d’intérieur ; 350 figurants et 50 acteurs de cinéma ; et « Il y avait un certain nombre d'anciens détenus qui avaient enduré et survécu à des cruautés de l'"ancien système" telles que la cage de tête, le boulet et la chaîne, les fouets, les camisoles de force et les longues périodes d'incarcération dans des cellules obscures, et qui avaient accepté de revivre certaines des expériences amères vécues pendant leur détention. »

Selon Neil D. Novello, les scènes de prison ont été tournées à Porstmouth. Thomas Mott Osborne a obtenu l’autorisation de son administration, la Marine américaine, de faire entrer acteurs et caméras dans les lieux qu’il dirige toujours. Le tournage a eu lieu en juillet. Forcément après le 19 puisqu’Olcott rentre d’Angleterre à cette date. Le reste du film est tourné à New York. Les scènes de cellules en studio. Le décorateur a reproduit celles de Sing Sing bien connues d'Osborne.



Janvier 1920, le producteur parle de  sa sortie prochaine. Le titrage ayant été fait, le film s'appellera The Gray Brother. Puis plus rien ou presque. En octobre un court article de The Moving Picture World signale que « les films » d’Osborne ont été projeté à Auburn N.Y., la ville du créateur de la Mutual Welfare League. Les films? La revue ne les nomme pas.

Il faut encore attendre le 28 février 1921 pour qu’un film soit présenté en avant-première au public à Syracuse, N.Y., au Wieting Opera House. Il ne s’appelle plus The Gray Brother mais Making Good. Variety (11/02/1921) fournit quelques informations sur la production, données par Osborne lui-même. Sa production a duré un an; il a coûté $100 000; 70 000 pieds de pellicule ont été tournés qu’il a fallu ramener à 90 min, soit 7 500 pieds environ.

Et puis clame plat, la presse professionnelle signale que tel exploitant a acheté les droits de diffusion dans tel Etat lointain. Enfin, le 8 octobre 1921,  The Motion Picture News publie une pleine page de publicité à destination des distributeurs. Le film a encore changé de titre. Il s’appelle désormais The Right Way. Il a été testé avec succès dans deux territoires : l’Ohio et Washington DC. Il est resté deux semaines à l’affiche du Gift’s Theatre de Cincinatti, O et une semaine au Allen’s Million Dollar House à Cleveland, O. Alors « Dépêchez vous! »
La production organise aussi une projection privée à destination de la presse. Du coup les critiques tombent. Elles sont généralement bonnes. Fin novembre, le film est enfin distribué dans les Etats du New Jersey  et de New York.

Thomas Mott Osborne multiplie les conférences pour accompagner la projection du film. Selon Neil D. Novello, Osborne n’était pas content des premiers montages. Du coup, il supervisera les suivants. Ce qui explique peut-être le délai entre le tournage et la sortie du film. Mais il regrettera le manque de succès du film accusant les distributeurs d’incurie au point qu’il collectera des fonds pour s’en charger lui même.



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